Notre lettre 1277 publiée le 26 septembre 2025

AVEC LE PONTIFICAT DE LÉON XIV

AVONS-NOUS UNE OCCASION PROVIDENTIELLE

D'UN VÉRITABLE DIALOGUE LITURGIQUE ?

Depuis le début du pontificat de Léon XIV, un vent nouveau semble souffler dans l’Eglise, et spécialement au cœur de son réacteur, le Vatican. Entendons-nous bien, un changement d’air/d’ère ne signifie pas nécessairement une révolution copernicienne. Les faits et gestes de François, par leur caractère disruptif, par sa volonté de casser les codes et de renverser la table ont profondément bouleversé les conventions ecclésiales. En interne, le trouble est immense et la confusion généralisée. Inutile de se mentir, les observateurs du pontificat de François s’accordent sur la manière qui fut la sienne d’exercer le pouvoir. Son tempérament autoritaire, son goût de surprendre, son sens politique, parfois au mépris de la justice ou de la vérité, ont contribué, année après année, à créer dans l’Eglise une atmosphère faite de craintes, de silences et de blessures. Léon XIV ne peut, s’il lui en prenait l’envie, en effacer les aspects les plus cinglants d’un simple claquement de doigts. Il faut toujours du temps pour réparer. Il faut du doigté, justement. Composer avec l’héritage de son prédécesseur, voilà le premier défi d’un nouveau pontife, qu’il se situe dans sa ligne ou en rupture plus ou moins prononcée avec elle.

Il n’empêche, en matière de changement de climat, beaucoup dans les dicastères romains avouent souffler désormais : « Enfin nous pouvons respirer », « Nous aspirions, sans pouvoir le dire, à un retour à la normale ». La normale ? Entendez par-là davantage de subsidiarité et moins de suspicion. Ceux qui ont lu l’ouvrage Risques et dérives de la vie religieuse de Dom Dysmas de Lassus n’ont pu que noter, avec regret et consternation, combien tel ou tel aspect du fonctionnement de la volonté bergolienne correspondait précisément aux dangers ciblés par l’auteur : des décisions abusives, trop souvent déliées de la vérité et dénuées de charité.

Avec Léon XIV, il n’est un mystère pour personne que nous nous trouvons dans un registre différent. Mis bout à bout, les signaux faibles depuis le début de son pontificat témoignent, en faisceau, d’un changement de style sur la forme. Sa récente interview accordée à la journaliste Elise Ann Allen, du site catholique américain Crux, le confirme, et incite même à penser que le changement de style ne serait pas seulement sur la forme mais suggère un potentiel infléchissement sur le fond. « Ma perception du rôle du pape à ce moment de l’histoire vise à tenter de ne pas continuer à promouvoir la polarisation au sein de l’Eglise. » confie-t-il. Le nouveau pape sait l’Eglise fracturée par des divisions et répète à l’envi son souhait d’être l’instrument – ou à tout le moins le serviteur – d’une paix à retrouver. En aucun cas son obstacle. On se souvient de François, dans l’avion le ramenait de son séjour en Afrique en septembre 2019, qui affirmait, mi bravache mi dilettante, ne pas avoir peur des schismes...

Dans cet entretien, on l’a lu, le sujet de la messe traditionnelle est abordé et Léon XIV se déclare enclin à la discussion. Pour le moment, il n’a « pas encore eu l’occasion » de rencontrer un « groupe de personnes qui défendent le rite tridentin » mais il annonce que la chose « se présentera bientôt ». La question liturgique intéresse évidemment au premier chef le dynamisme de l’Eglise, la prière reste le poumon de l’élan missionnaire et la loi de la foi. Mais plus encore, c’est le mode de résolution suggéré par le pape qui intéresse : recourir au cadre d’une synodalité vécue en acte pour sortir d’un dialogue de sourds. Autrement dit, intégrer l’élément le plus révolutionnaire de la pensée de François, la synodalité, comme remède aux difficultés présentes de la Tradition. Ainsi sont faits les chemins de la providence : des détours surprenants peuvent conduire, en puissance, à des dénouements heureux. Cette synodalité promue par François en vue de dessiner une nouvelle Eglise sera donc peut-être cette route inattendue permettant à la Tradition de retrouver ses pleins droits au bénéfice de toute la catholicité. L’avenir le dira. C’est tout l’enjeu en tout cas des mois à venir.

Le pape Léon XIV désire mettre en place un dialogue constructif. Les plus âgés qui ont vécu les premiers combats liturgiques suite aux soubresauts de la réforme de la messe après Vatican II estimeront sans doute qu’il s’agit d’un énième vœu pieux de pacification liturgique. Il est notable que depuis l’origine du fait traditionnel, la demande de Mgr Lefebvre n’a pas varié d’un iota : « Laissez-nous faire l’expérience de la Tradition ». Oui, « Laissez faire l’expérience de la Tradition » comme une tentative de remède pour les fidèles déboussolés par la crise de l’Eglise et les fameuses “fumées de Satan” évoquées par Paul VI.

Cependant, pour bâtir une discussion synodale sereine, quelques conditions préalables s’imposent. Tout d’abord le courage d’un état des lieux, sans faux fuyant, après 50 ans de réforme liturgique. Quels sont les fruits de la réforme liturgique ? Pourquoi les traditionnalistes ont-ils subi une véritable persécution des autorités ecclésiastiques quand les « abus liturgiques » – évoqués par Léon XIV dans son entretien – n’ont pas été traités avec une semblable sévérité ? Que font de mal les prêtres, religieux et fidèles attachés à la foi de leur père, à une « expérience plus profonde de la prière, un contact avec le mystère de la foi » que leur reconnaît le nouveau pape ?

Ensuite, les conditions de ce dialogue synodal bienvenu, devront justement dépasser une approche hiérarchique descendante pour se centrer sur la mission évangélisatrice de l’Eglise. Autrement dit, faire le choix d’une incontestable transparence contre la tentation de manigance comme on l’a vu pour l’enquête préalable auprès des évêques avant Traditionis custodes.

La synodalité pour sortir de la guerre liturgique, c’est aussi envisager de modifier son regard sur les fidèles attachés au rite tridentin. Les regarder avec bienveillance, sortir de la caricature pour que la discussion se passe sous le sceau de l’Esprit-Saint.

En tant que fils et filles de l’Eglise, notre confiance en l’avenir est intacte et nous savons depuis l’origine que seule une authentique écoute peut aboutir à un modus vivendi profitable à l’Eglise universelle. Il ne s’agit pas de trouver des compromis ou de recevoir des arguments d’autorité mais de revenir au bon sens de la bonne foi : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. » (Benoît XVI).

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