Notre lettre 1231 publiée le 4 juillet 2025

ANDREA GRILLO,

UN VRAI BUGNINIEN

APRÈS CARLO ACUTIS,

IL S'ATTAQUE À LA PROCESSION

DE LA FÊTE DIEU

Les attaques d’Andrea Grillo, sommité de l’athénée pontifical Saint-Anselme de Rome, contre Carlo Acutis ont provoqué un tollé dans les réseaux sociaux traditionnels ou classiques. Mais Grillo a un caractère très particulier, très excitable, ce qui l’a incité à en rajouter une couche.


Grillo, l’homme qui met les pieds dans le plat

Mais cela ne convient pas avec la politique d’« apaisement des tensions » qui semble être la ligne de nouveau pontificat. Sans doute sur inspiration discrète de quelque Préfet de Dicastère, le collège Saint-Anselme s’est distancé publiquement de Grillo, par un communiqué du vice-recteur, le professeur Laurentius Eschlböck, un modèle du genre, communiqué allusif qui réprouve « résolument » mais sans surtout dire qui ni quoi :

« Nous nous distancions résolument des propos tenus individuellement par des professeurs qui, à titre personnel et sous leur seule et entière responsabilité, publient sur leurs sites ou blogs des thèses, des opinions ou des prises de position personnelles. Ces propos ne représentent pas l’enseignement dispensé dans les différentes facultés de notre université, qui accueille et transmet, en toute confiance et obéissance à la foi – dans la perspective d’une saine dialectique sur laquelle se fonde la véritable recherche théologique – l’enseignement de l’Église et du Pontife romain ».

L’« obéissance à la foi » dans la « perspective d’une saine dialectique » est une trouvaille admirable ! Hors du monde de la Curie, on dirait que le professeur Laurentius Eschlböck est un farceur qui estime que jamais au grand jamais les opinions personnelles des professeurs ne se retrouvent dans leur enseignement.

Et voilà que le même jour, Grillo a repris ses propos sur la « vraie » doctrine eucharistique conciliaire en s'attaquant cette fois à procession de la Fête-Dieu, celle que présidait le nouveau Pape dans les rues de Rome, la veille. Andrea Grillo, dont on doit préciser au passage qu’il prédisait avec délectation, avant le conclave, l’élection du cardinal Prevost, rappelle ainsi à tous et à chacun, et notamment au pape en exercice, qu’il est la voix autorisée pour expliquer la signification de la liturgie de Vatican II. Ainsi décide-t-il que la procession du Corpus Domini, que les braves et ignorants fidèles aiment tant, n’est un « doublet » – un mot que l’on doit au liturgiste Jungmann, et qu’affectionnaient les réformateurs qui ont par exemple supprimé l’offertoire parce qu’il était un « doublet » du canon – « doublet » incohérent quant à la nature même de la célébration eucharistique et son évolution théologique radieuse.

Encore une fois, il n’est pas le premier à dire cela. Les réformateurs du Consilium de Bugnini, le chanoine Martimort par exemple, estimaient que l’adoration de l’Eucharistie ne devait pas rompre le lien entre messe et communion. Dès lors une procession du Saint-Sacrement ne se justifiait que si elle s’achevait par une communion : par exemple, il leur paraissait judicieux d’achever une procession de la Fête-Dieu à apportant l’Eucharistie à des malades. Grillo en est resté là, sans s’apercevoir que les pasteurs de l’Église avaient opéré depuis quelques « recentrements ». Au reste, la traditionnelle procession du jeudi de la Fête-Dieu de Saint-Jean-de-Latran à Sainte-Marie-Majeure par la via Merulana, après une messe en fin d’après-midi devant Saint-Jean, n’a jamais été interrompue depuis le Concile, provoquant d’énormes embouteillages dans la ville de Rome.

De fait, dans son article, Grillo se lance dans une série d’explications historiques qu’il n’a pas dû relire et qui du coup ne sont pas très claires. Mais il en ressort qu’il tient à la thèse des réformateurs des années 70 : sauf exception (par exemple, des vêpres suivies d’un salut du Saint-Sacrement), la célébration de la présence eucharistique ne doit pas être séparée de la messe s’achevant avec la communion. Il est selon lui anti-liturgique de faire une bénédiction eucharistique ou une procession avec le saint Sacrement juste après avoir communié à la messe : « Si la célébration eucharistique vient de se terminer et que nous nous tournons vers le Saint-Sacrement pour une bénédiction eucharistique, nous créons un « doublet », certes mineur, qui témoigne de l'ignorance de ce qui vient de se passer. La même chose, mutatis mutandis , doit être observée pour la fête du Corpus Domini » [Fête Dieu].

Selon lui (et encore une fois, selon les réformateurs de l’époque Paul VI), les célébrations de l’Eucharistie hors de la messe et aussi les communions hors de la messe s’expliquaient par une théologie eucharistique vétuste, confortée par la discipline du jeûne eucharistique depuis minuit, qui empêchait la communion des fidèles pour les messes non matinales :

« Pendant longtemps, la communion a été considérée comme un acte privé (non lié à la célébration eucharistique) et régi par les règles du jeûne. Cela a créé un profond fossé entre la célébration du mystère et la communion avec le mystère […] Les choses ont changé depuis les années 1950 et définitivement depuis 1973, sur ces trois fronts : l’unité entre sacrement et communion a été laborieusement rétablie, le rite de la communion a été reconnu comme le lieu par excellence de la communion de l’assemblée, et le jeûne a été réduit à une heure avant la communion. Ces trois faits théologiques, pastoraux et institutionnels ont été établis, mais pas encore acceptés, comme c’est inévitable. Ainsi, des pratiques justifiées par le régime précédent et qui ne le sont plus sous le régime actuel persistent ».

Et de poursuivre, dans la même veine, celle de l’unité du sacrement et de la communion : « Les formes d'adoration eucharistique, qui sont raisonnables dans les contextes où il n'y a pas ou ne peut y avoir de célébration de communion, restent nécessairement au service de l'action rituelle de la prière eucharistique et du rite de communion. Si, dès la célébration avec communion terminée, nous reprenons l'hostie consacrée, c'est comme si nous reniions le rite qui vient d'être célébré, comme si nous étions encore dans un régime du passé : ce régime était alors justifié tant sur le plan théologique que pastoral et sur le plan des normes du jeûne. Aujourd'hui, la théologie, la pastorale et les normes du jeûne disent (ou devraient dire) tout autre chose ».

Lancé comme un boulet, Andrea Grillo en profite pour égratigner sa cible favorite, la Tradition et les traditions : « L'interférence actuelle entre les conceptions théologiques, les pratiques pastorales et les règles du jeûne peut permettre un retour à la « communion » comme vérité de la célébration eucharistique et du sacrement, sous une forme véritablement surprenante. À condition que chacun ne s'attache pas à des traditions qui contredisent la vérité des signes partiels, pourtant présentés comme définitifs et exclusifs. Le catholicisme, précisément en vertu de son universalité, devrait être la tradition la moins rigide, précisément en vertu de son ancienneté ».

Grillo doit d’autant plus gêner les autorités de Saint-Anselme, haut-lieu du progressisme liturgique, qu’il profère, à sa manière un peu excitée, une doctrine avec laquelle ses confrères sont d’accord.


Grillo bouscule le sens de la foi des fidèles catholiques

Missa in Latino relève, le 26 juin dernier, au sujet de cette nouvelle crise du gourou de Saint-Anselme : « Grillo revient au mépris de la théologie eucharistique en soulignant, à notre avis avec une profonde malice, la différence actuelle entre une théologie médiévale et une théologie moderne, dénonçant la discontinuité entre la théologie des Pères de l'Église et celle contemporaine : des divergences d'opinion qui, aujourd'hui, méconnaissent le grand et infaillible mérite du Concile Vatican II, qui aurait finalement permis une réconciliation entre les deux visions eucharistiques. Mais vraiment ? En tant que pauvres croyants ignorants, nous pensions cependant que la théologie, et en particulier l'eucharistie, était désormais fermement codifiée dans les dogmes correspondants et qu'elle ne pouvait plus évoluer au fil des siècles pour trouver, seulement maintenant, la synthèse parfaite, écoutez, écoutez, dans un Concile non dogmatique – après 1970 ans…. »

Et dans un commentaire, un lecteur de s'interroger après les attaques de Grillo contre la spiritualité de Carlo Acutis – notamment le fait qu'il disait son chapelet tous les jours – et cette nouvelle sortie contre la Fête-Dieu : « En s'attaquant aux processions de la Fête-Dieu, à l'adoration eucharistique et au rosaire, Grillo se met en conflit, et donc en rupture de communion, avec les fidèles qui accomplissent ces actes sacrés. Grillo rompt la communion avec les croyants qui la constituent. L'Église est formée par les baptisés et réalisée dans et par la Très Sainte Eucharistie, le Catéchisme le dit aussi. Grillo enseigne que l'adoration eucharistique serait un abus. Il oublie que la Présence Réelle peut être aimée et adorée, ce qui est légal depuis des siècles. Pourquoi tant de haine, presque de fureur ? »

Grillo, à sa manière mélanchoniste, est un témoin précieux de la théologie eucharistique de ceux qui ont fabriqué la nouvelle liturgie, et notamment de leur foi eucharistique diminuée.

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