Notre lettre 1014 publiée le 14 mars 2024

MGR JOHAN BONNY
ET LE POST-CATHOLICISME
EN BELGIQUE

1ERE PARTIE : FIDUCIA SUPPLICANS AVANT FIDUCIA SUPPLICANS



S'il y a bien un évêque qui est ravi du texte Fiducia supplicans – lequel introduit la possibilité de bénir les « couples » invertis et irréguliers –, c'est Mgr Bonny, évêque d'Anvers, qui depuis 2014 alors qu'il était délégué de Belgique au synode sur la famille du pape François et alors pressenti pour devenir archevêque de Malines-Bruxelles, attaque la loi naturelle et l'enseignement de l'Église sur la famille et la sexualité. En 2023 il s'est senti pousser des ailes, et lors d'un entretien sur des problèmes d'abus en Flandre mis au jour dans un reportage de la télé belge, s'est prononcé en faveur de l'euthanasie et de l'ordination des hommes mariés.


Conservateur œcuménique sous Benoît XVI

Johan Bonny naît à Moere en 1955, fils aîné de cinq enfants dont le père est fermier dans la grasse Flandre. Il entre au séminaire de Bruges en 1973, est ordonné prêtre le 20 juillet 1980 dans une Flandre qui reste encore pratiquante alors que la Wallonie (Belgique francophone) a déjà commencé à décrocher massivement. Il aide à la fondation de la communauté de l'Arche de Jean Vanier à Moerkerke et en assure l'accompagnement spirituel.

En 1982, il obtient un doctorat de théologie de l'Université pontificale grégorienne de Rome. Ensuite, Mgr De Smedt le nomme archiviste et professeur au séminaire de Bruges, où il enseigne l'histoire de l'Église, la théologie dogmatique, l'œcuménisme et la spiritualité. Homme infatigable, il travaille en même temps avec le spécialiste de la mystique chrétienne Albert de Blaere. Sa thèse de doctorat porte d’ailleurs sur le mystique flamand Jean de Ruysbroeck, intitulée Het ghemeyne leven in de werken van Jan van Ruusbroec. En 1985, Mgr Roger Vangheluwe évêque de Bruges, le nomme directeur du département de théologie et en 1991 directeur spirituel du séminaire de Bruges.

Johan Bonny part en 1997 pour Rome avec deux nouvelles charges : Il est nommé le 5 juin collaborateur du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens : il est responsable des relations œcuméniques entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes, surtout celles du Moyen-Orient. Il participe au dialogue théologique avec l'Orthodoxie, rattachée ou non à Rome, y compris avec les Coptes, les Éthiopiens, les Syriaques, les Arméniens, les Malankars et les Assyriens. Il est aussi en rapport avec divers mouvements, comme celui de Taizé et bien sûr avec l'Arche. De plus le cardinal Danneels et les évêques belges le nomment recteur du collège ecclésiastique belge de Rome, succédant à Werner Quintens.

Bien que versé dans l'œcuménisme, il apparaît encore raisonnablement conservateur, et le 28 octobre 2008, le pape Benoît XVI le nomme évêque d'Anvers. Bonny prend pour devise Agnus pascet illos.


Progressiste pro LGBT sous François

A partir de septembre 2014, lorsqu'il est nommé délégué des évêques de Belgique pour le synode sur la synodalité, il se distingue en publiant un texte sur l'opposition des évêques belges à Humanæ vitæ, à laquelle il reproche une logique d'exclusion. « Dans sa vie, a-t-il déclaré, chacun doit gérer ses relations, ses amitiés, sa famille et l'éducation de ses enfants. Nous ne devrions pas nier que le fait de traiter ces questions au sein de l’Église a entraîné des blessures et des traumatismes. Trop de gens ont été exclus pendant longtemps. »

Ce texte est salué par la presse belge, car il « récapitule l'opposition historique de la conférence des évêques belges à Humanæ vitæ et le déclin ultérieur de la collégialité papale-épiscopale - une "discorde", dit-il, qui "ne peut pas continuer".

Le long texte de Bonny, qui déborde de sensibilité pastorale et d'expérience humaine tout autant que d'une sobre conscience historique, plaide pour un lien plus étroit « entre la théologie et la réalité pastorale » ; la restauration de la conscience personnelle à « la place qui lui revient dans une saine réflexion morale et théologique » ; et le démantèlement de la pensée « bipolaire » qui catégorise les situations relationnelles des gens comme « régulières » ou « irrégulières ».

Non repris par Rome, il poursuit en publiant une tribune dans le journal flamand De Morgen, le 27 décembre 2014 : il y appelle à la reconnaissance ecclésiastique des unions homosexuelles, au nom de la « diversité des formes des unions ».

« Il devrait y avoir une reconnaissance de la diversité des formes. Nous devons chercher à l'intérieur de l'Église une reconnaissance formelle du type de relation interpersonnelle qui est également présente dans de nombreux couples homosexuels. Tout comme il existe une variété de cadres juridiques pour les partenaires dans la société civile, il faut arriver à une diversité de formes dans l'Église. … Les valeurs intrinsèques sont plus importantes pour moi que la question institutionnelle. L'éthique chrétienne est basée sur des relations durables où l'exclusivité, la loyauté et l'attention sont au cœur l'une de l'autre »

Cette prise de position entraîne des réactions dans et hors de Belgique : « le professeur Rik Torfs, expert en droit canonique et recteur de l'Université catholique de Louvain, a averti qu'il ne fallait pas minimiser l'approche de Bonny.

"Ne sous-estimez pas l'importance de cela", a-t-il déclaré. "Bonny préconise un changement par rapport à des principes longtemps considérés comme inébranlables, quelque chose qu'aucun évêque n'aurait pu faire sous les pontificats dogmatiques du pape Jean-Paul II et du pape Benoît XVI. »

Alors, comme le rappelle sans cesse la presse belge, « la plupart des observateurs le voient devenir le prochain archevêque (et cardinal) de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles, lorsque le titulaire, Mgr André-Joseph Léonard, offrira au pape sa lettre de retraite, à 75 ans, en mai ». Et il n'est toujours pas repris par Rome. Il est nommé père synodal à l’assemblée du Synode sur la famille, mais en fin de compte l'archevêché lui passe sous le nez au profit d'une personne moins clivante, l'évêque de Bruges Josef de Kesel, créé cardinal en 2016. Son vicaire général (depuis 2021) Luc Terlinden lui succède au même poste en 2023 – mais cette année, Mgr Bonny va remporter une étrange victoire à la Pyrrhus, Fiducia supplicans.


Johan Bonny et la préparation des voies de Fiducia supplicans

En octobre 2016 déjà, Mgr Bonny, dans son livre, Église et famille : ce qui pourrait changer, propose une bénédiction des unions homosexuelles. La Porte latine, site d'actualité de la FSSPX en France, développe :

« Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers, propose une sorte de bénédiction de l’Église pour les couples homosexuels, les divorcés remariés et les concubins more uxorio : il écrit tout cela noir sur blanc dans un livre paru le 11 octobre 2016, livre dont l’hebdomadaire catholique des Flandres, Kerk & Leven, a déjà publié des extraits considérés comme les plus « controversés », c’est-à-dire, traduit de la langue ecclésiale, ceux explicitement opposés au Catéchisme, au Magistère, à la Tradition.

Rappelons aussi que l’hétérodoxie de Mgr Bonny s’étend même aux textes les plus « conservateurs » du funeste Concile Vatican II [en réalité le sujet d’Humanæ vitæ n’a pas été traité par le Concile]. C’est ainsi qu’il s’en est pris – lors de la seconde session du Synode sur la famille – à Humanæ vitæ, dénonçant avec force le concept même de loi naturelle.

Pour lui l’encyclique Humanæ vitæ n’a pas recueilli le « consensus » des évêques, raison pour laquelle elle a été dès sa publication à l’origine de « tensions, des conflits et de fractures ». De facto, il rejette la « loi naturelle » comme fondement de la moralité parce qu’elle considère certains actes comme bons ou mauvais indépendamment de l’histoire et de la biographie personnelle des individus »

Quelques années après, en mars 2021, il s'oppose avec force au rappel de la Congrégation pour la doctrine de la Foi comme quoi l'homosexualité est un péché et s'excuse au nom de l'Église dans les colonnes du quotidien flamand Standaard.

La Croix relève ses arguments dans sa série Documents : « Le 18 mars 2021, Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers (Belgique) a publié une réflexion s’opposant à la position prise par la Congrégation pour la doctrine de la foi sur la bénédiction de couples homosexuels, le 15 mars. Après avoir souligné qu’il avait participé en 2015 au synode sur le mariage et la famille, il a indiqué que « la Congrégation pour la doctrine de la foi a répondu par la négative à la question de savoir si l’on peut bénir des unions entre personnes de même sexe ». L’évêque belge a ajouté : « Comment je me sens après ce responsum ? Mal ».

Il a développé son propos en considérant que dans ce document « manque le souci pastoral, le fondement scientifique, la nuance théologique et la précaution éthique qui étaient présents chez les pères synodaux qui ont approuvé les conclusions finales du Synode ». Il a évoqué le paragraphe qui affirme que « dans le plan de Dieu, il n’y a pas la moindre possibilité de similitude ou même d’analogie entre le mariage hétérosexuel et le mariage homosexuel », pour constater : « Je connais moi-même des couples homosexuels, mariés civilement, avec des enfants, qui forment une famille chaleureuse et stable, et qui participent activement à la vie paroissiale ».

Puis Mgr Bonny a noté que les derniers paragraphes du responsum « sortent l’artillerie morale la plus lourde », précisant : « La logique est claire : Dieu ne peut approuver le péché ; les couples homosexuels vivent dans le péché ; par conséquent, l’Église ne peut pas bénir leur relation ». Pour l’évêque d’Anvers, « le “péché” est l’une des catégories théologiques et morales les plus difficiles à définir, et donc l’une des dernières à être appliquée sur des personnes et sur la façon de partager leurs vies ».

Bien que Rome le désavoue, la presse belge le salue – personne n'aura songé à demander leur avis aux fidèles : « La colère ardente de la communauté LGBTQ était à prévoir. Mais la réaction de l’évêque d’Anvers, Johan Bonny, a quant à elle de quoi surprendre et témoigne d’un grand courage. « J’éprouve un réel sentiment de honte à l’égard de mon Église », explique-t-il. « Je demande pardon à toutes les personnes chez qui ce responsum a suscité douleur et incompréhension. Aujourd’hui, je partage leur désarroi. La déception de Johan Bonny, qui est passé à côté du titre d’archevêque, ne change rien à l’affaire : il a amplement raison. Sa colère est la nôtre. Mais veillons, comme le courageux évêque, à l’évacuer en direction du Saint-Siège. »

En septembre 2022 il emmène l'ensemble des évêques flamands – et le cardinal de Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles – à proposer une liturgie pour bénir les relations homosexuelles. Le siège de Malines-Bruxelles lui est peut-être passé sous le nez, mais il est devenu le vrai chef de bande des évêques flamands, qu'il pousse toujours plus loin hors de l’orthodoxie. La Porte latine explique :

« Le cardinal Josef De Kesel, ainsi que les autres évêques flamands de Belgique, ont publié un texte liturgique destiné à la bénédiction des couples homosexuels. Un communiqué, diffusé le 20 septembre 2022, a présenté cette liturgie. L’ensemble de l’épiscopat belge n’est donc pas concerné par cette annonce, limitée à la partie flamande. Outre le cardinal De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, ont signé l’évêque d’Anvers, Mgr Johan Bonny, connu pour ses positions progressistes ; l’évêque de Gand, Mgr Lode van Hecke ; celui de Hasselt, Mgr Patrick Hoogmartens ; et enfin celui de Bruges, Mgr Lodewijk Aerts. Ce qui représente la moitié des diocèses de Belgique.

Le communiqué a coïncidé avec la mise en place d’un « point de contact » intitulé « Homosexualité et foi » inclus dans le service interdiocésain de la pastorale familiale. Ce « point de contact » a été placé sous la responsabilité de Willy Bombeek, porte-parole de l’enseignement catholique en Flandre de 1999 à 2017, qui a coordonné la mise en place d’un groupe de travail sur le sujet.

Ce Bombeek affirme que « l’expérience sexuelle est aussi un droit pour les LGBT dans la mesure où elle se déroule au sein d’une relation fidèle et durable » : revendication qu’il a présentée au cardinal De Kesel en février 2020. Bombeek ne se cache d’ailleurs pas. Il a qualifié l’initiative de « révolutionnaire ». Il a ainsi déclaré : « Je suis moi-même croyant et homosexuel. C’est pourquoi les évêques m’ont demandé d’assumer cette mission. Je pense qu’il est important que l’Église ait spécifiquement voulu nommer un croyant LGBT à ce poste. »

Ladite bénédiction comprend une lecture tirée des Saintes Écritures : « le document précise que la bénédiction ne doit pas être confondue avec un mariage. Mais Bombeek explique : « Dans la tradition de l’Église le mot “mariage” se limite à la relation entre mari et femme. La bénédiction est totalement équivalente, mais d’après la tradition de l’Église, on ne peut pas l’appeler mariage. Mais c’est quelque chose de très novateur dans le fait que, au sein de l'Église, nous puissions avoir un service de prière et une bénédiction pour les relations LGBT. » La liturgie comporte une lecture tirée de l’Écriture sainte, qui précède « l’engagement des deux personnes concernées ». Un texte est proposé pour cet engagement qui affirme la volonté « d’être là l’un pour l’autre », de « travailler au bonheur de l’autre », et qui demande la force d’être « fidèles l’un à l’autre ». Il conclut : « nous voulons vivre, donnés l’un à l’autre pour toujours ».

La Porte Latine cingle les tentatives fumeuses de justification des évêques flamands, après l'indignation provoquée par la publication de cette bénédiction : « dans ce texte, il ne s’agit pas d’une « bénédiction nuptiale », mais d’une bénédiction clôturant une prière. Ces explications sont tout sauf concluantes. Dans cette « liturgie » il s’agit bien d’accueillir un couple homosexuel en tant que tel dans la communauté ecclésiale. Certes, il ne s’agit pas d’un mariage, mais il s’agit exactement de ce qui a déjà été condamné par la réponse à un dubium de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), en date du 15 mars 2021.

Pour rappel, le dubium demandait : « L’Église dispose-t-elle du pouvoir de bénir les unions de personnes du même sexe ? » La réponse était : « non ». Les évêques peuvent peut-être croire à leur explication fumeuse, ils ne peuvent cependant pas empêcher que leur texte soit formellement contre la décision de la CDF et accessoirement contre la loi divine… Cette pseudo-liturgie est clairement une tentative d’introduire une bénédiction d’un couple, et d’un couple homosexuel ».

Mais bientôt, comme jadis le Rhin, c’est l’Escaut qui va se jeter dans le Tibre

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