Notre lettre 1010 publiée le 5 mars 2024

ÊTES-VOUS

POUR OU CONTRE

LE CONCILE VATICAN II ?


LA CHRONIQUE DE PHILIPPE DE LABRIOLLE

Notre ami Christian Marquant en a fait l’expérience récente. Interviewé à Rome par deux journalistes, successivement, chacun étant curieux de sociologie religieuse actualisée, le préambule commun ne fut pas sans surprendre notre compagnon d’armes : Êtes-vous pour ou contre le Concile Vatican II ?

L’ambiance de pré-conclave qui imprègne la Ville Eternelle ne laisse pas grand monde indifférent. Si nul ne connaît le jour et l’heure du rappel à Dieu de l’actuel successeur de Pierre, qui concèderait sérieusement que du pape argentin quelque initiative constructive pour la Gloire de Dieu pût encore survenir ?

La question soumise à la sagacité d’un influenceur n’est donc pas « Approuvez-vous l’action du Saint Père ? » laquelle ne mérite en réponse qu’une question en miroir, telle que « quelle action ? » ou sa variante plus hardie, «quelle action cohérente, stable dans la durée ? ». La confusion bergoglienne, élevée au statut du grand art, n’apporte que désolation à quiconque espère encore, contre toute espérance, une parole constructive venu de haut.

Voir ressurgir, sous sa forme binaire assez fruste, la question conciliaire, c’est, nous semble-t-il, constater l’espoir de combler la vacuité du bilan des papes réformateurs, fussent-ils canonisés à la hâte, en cherchant où trouver de la terre ferme pour qu’un honnête homme puisse y poser sans crainte un pied mal assuré.

Êtes-vous pour ou contre Vatican II ? Pour ceux qui ont été les contemporains de son déroulement (1962/1965), et quel que soit l’éveil des esprits, jeunes ou moins jeunes, aux enjeux que l’évènement ecclésial eut à assumer urbi et orbi, la mémoire est sans appel. Il était interdit, à l’époque, d’être contre. S’y risquer, c’était tirer son linceul, comme de tirer son mouchoir sous le nez de Cyrano.

Un peu de culture mythologique pouvait, analogiquement, rendre compte de l’hybris à fuir, et des sanctions subséquentes : Il ne faut, à aucun prix, ouvrir la boite de Pandore. Prétendre remplir le tonneau des Danaïdes est tout aussi insensé, tout comme d’attendre indéfiniment que la nymphe Echo prit la parole en premier… Quant à Prométhée qui défiât l’Olympe, son sort tragique est notoire. Bon, qu’on se le dise, mettre en doute Vatican II, c’était pécher contre l’Esprit, donc se rendre inexpiable. Bigre !

Ces journalistes romains au micro bien curieux mesurent-ils, somme toute, leur audace ? Depuis quand aurait-on acquis le droit de se déclarer publiquement contre l’évènement conciliaire, non certes, pour douter qu’il eût lieu, mais pour mettre en perspective les promesses, quelles qu’elles fussent, et le désastre qui survint ?

A moins que l’objectif de ces medias, à l’intérêt affecté, ne fût que la traque d’ultimes rebelles, ou de nouveaux sceptiques, ce qu’à Dieu ne plaise, il faut bien admettre que l’impressionnante déchristianisation qui jalonne la ruine morale et politique de l’Occident mérite qu’on en date la régression lentement implacable. Une formulation moins sommaire pourrait donc s’énoncer ainsi : « Estimez-vous que l’on peut imputer au Concile Vatican II, et à la gouvernance ecclésiale qui s’en est réclamée, l’effondrement de la Chrétienté occidentale ? »

Répondre négativement, c’est reprendre à son compte le déni des fauteurs du désastre. Eviter l’impardonnable péché contre l’Esprit, réminiscence d’une prédication périmée par la Miséricorde « inconditionnelle, gratuite et imméritée » (2016, A.L. ch.8), aucune conscience catholique n’en méprisait l’enjeu à l’époque postconciliaire immédiate. Répondre négativement, de nos jours, c’est d’abord s’inféoder inutilement au tabou d’hier, car le totem à protéger n’est plus qu’un chiffre, qui code les illusions d’après-guerre, et rien d’autre.

Répondre positivement, c’est ouvrir une réflexion vitale, tant pour nos âmes que pour l’exercice de nos facultés. Le Concile Vatican II n’est pas le début de la Révolution dans l’Eglise, mais c’est le « cairos » de toutes les illusions pacifistes en son sein, en rupture tragiquement naïve avec la prudence des Saints Pères depuis Grégoire XVI (1831/1846), et tous les papes de la modernité tardive.


Dr. Philippe de Labriolle

Psychiatre Honoraire des Hôpitaux

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