Notre lettre 1314 publiée le 11 décembre 2025
KAFKA AU VATICAN,
OÙ LA SYNODALITÉ
EST EN TRAIN DE SE TRANSFORMER
EN MONUMENT BUREAUCRATIQUE
Où va le processus synodal ? Le seul fait qui semble clair, c’est qu’il y a un point d’achoppement sur une des annonces synodales, c'est-à-dire l’ordination des femmes – clairement exclue par l’étude de la commission du cardinal Petrocchi qui vient juste de paraître. Pendant ce temps, le processus synodal devient de plus en plus lourd, de plus en plus abscons, et de plus en plus éloigné des fidèles – ce qui était déjà à craindre en lisant l’abécédaire de l’Eglise synodale dans l’Instrumentum Laboris il y a deux ans.
Le média hispanophone catholique Iglesia Noticias s’en inquiète désormais ouvertement : « La publication des derniers rapports intermédiaires des groupes d'étude du processus synodal a relancé un débat interne croissant parmi les théologiens, les évêques et les analystes. La principale préoccupation est que la synodalité – qui est au cœur du processus depuis 2016 – se transforme en une structure lourde et fragmentée, difficile à appréhender pour les diocèses et les fidèles ».
Une usine à gaz avec un volume croissant de documents
Le pape Léon XIV n’a pas encore eu l’occasion de donner une appréciation ou de recadrer le processus synodal, mais il ne va pas pouvoir y couper : « le nombre considérable de documents, de commissions, d'échéances et de réorganisations suscite un malaise dans divers secteurs de l' Église . D'après les documents publiés cette semaine, les quatorze groupes d'étude actuellement à l'œuvre doivent soumettre de nouvelles conclusions avant la fin de 2025.
Le volume considérable de documents en circulation a conduit certains observateurs à parler d'une véritable « usine à documents », une dynamique qui, selon eux, n'avait même pas été observée lors du Concile Vatican II . Le site web officiel du processus synodal présente lui-même une chronologie dense et une terminologie sans cesse croissante, avec des concepts redéfinis à plusieurs reprises et des méthodologies complexes pour chaque phase. Tout cela contribue à l'impression que la synodalité se transforme en un labyrinthe technique difficile à appréhender ».
Et ce bien que les rapports des groupes de travail ont été publiés avant la fin de l’année – certains proposent de rejeter le Concile de Trente pour distribuer le ministère aux laïcs, d’autres d’élire les évêques par la base des fidèles sous prétexte de transparence, d’autres de rendre obligatoires le modèle délibératif en inféodant les évêques à leur conférence épiscopale ou les prêtres à leur soviet de laïcs paroissial, ou « l’exercice du ministère pétrinien dans un nouveau cadre œcuménique », formule suffisamment vague qui semble permettre n’importe quelle hérésie – comme la « pastorale pour les polygames » envisagée par un autre groupe de travail. Quant à la commission liturgique, elle a accouché d’une volonté d’une nouvelle nouvelle messe, celle de l’Eglise synodale – au risque d’être invalide pour la majorité des catholiques.
Kairos et krisis : les langages hermétiques du rapport n°9
Iglesia Noticias met en avant « le Rapport intérimaire n° 9 » qui est « consacré aux critères théologiques et méthodologiques permettant de discerner les questions controversées », son style, qualifié par plusieurs analystes de « banal, incompréhensible et stérile », a intensifié le débat sur l’utilité réelle de cette production synodale considérable. Certains théologiens mettent en garde contre le risque que ce processus ne donne l’impression d’un « magistère parallèle », détaché de la vie quotidienne de l’ Église , et que la multiplication des textes et des procédures n’en dilue, à terme, la clarté de l’enseignement traditionnel ».
La FSSPX avait cité un extrait de ce rapport – celui du groupe 9 qui traite du discernement partagé des questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées, particulièrement obscur : « 1. Le krísis comme kairós. Tout d’abord, il nous semble fondamental de relever avec courage et radicalité le défi/chance qui investit la mission de l’Eglise aujourd’hui : la conversion de la pensée et la réforme des pratiques dans la fidélité contextuelle à l’Evangile de Jésus qui est “le même hier, aujourd’hui et pour les siècles” (He 13,8), “mais dont la richesse et la beauté sont inépuisables” (EG 11). Cela exige la maturation de la prise de conscience et la gestation partagée du krísis d’époque évident et pressant, anthropologique-social et politico-environnemental que nous vivons comme un appel à discerner et à promouvoir la réalisation d’un kairós sans précédent dans l’histoire du salut. »
Sans commentaire…
Vers une caste synodale détachée du reste du Peuple de Dieu ?
Visiblement, nombre d’évêques sont tout aussi perdus face à ce genre de production. Iglesia Noticias constate que « le sentiment de lassitude qui se fait sentir dans les milieux diocésains alimente les critiques concernant l’émergence d’une « caste synodale » composée de laïcs et d’experts qui multiplient les congrès, les voyages, les commissions et les publications, tandis que de nombreux curés et fidèles restent à l’écart du processus ».
Autrement dit la synodalité est devenue une vraie bureaucratie, qui produit des montagnes de papier pour se justifier elle-même, suffisamment floues pour enrober des propositions ouvertement hétérodoxes… mais quelle est son utilité réelle pour le reste de la chrétienté ?
Le blog Belgicatho avait traduit cet été une tribune du professeur de théologie américain Larry Chap sur le Catholic World Report, où il critique notamment le niveau de prise des décisions du processus synodal, et le faux argument de la subsidiarité développé par les bureaucrates synodaux pour éviter tout contrôle : « Le terme « synodalité » est devenu une sorte de code pour des sentiments ecclésiaux mal définis, qui aspirent, vaguement, à une Église plus démocratique « du peuple » et où les ailes de l’autorité romaine ont été coupées. Et le principe de subsidiarité est souvent invoqué pour critiquer la centralisation de l’autorité chez le pape.
Mais cela ne plaide pas en faveur d’une telle chose. Si une Église forte de deux milliards de personnes, multilingue, multiethnique et multiraciale, qui s’étend à travers le monde, a besoin d’une autorité centrale forte pour assurer sa cohésion, alors la subsidiarité exige que cette autorité supérieure existe et existe avec de véritables pouvoirs juridictionnels. Si la « synodalité » de style anglican ou orthodoxe conduit à la désintégration d’une véritable unité ecclésiale, précisément parce qu’il n’est pas préférable de laisser les questions d’une importance décisive et constitutive pour l’ensemble aux caprices du sentiment local, alors la subsidiarité plaide pour que ces décisions soient prises en compte ».
Et de dresser un constat implacable : « Dans l’état actuel des choses, le processus synodal semble être le triomphe du bureaucratique sur le personnel, de l’anonymat superposé des comités sur une Église au caractère concret sacramentel et des notions abstraites de « processus et structures » sur l’adresse locale contraignante du saint. nous n’avons ni besoin ni envie d’une centaine d’expériences nationales différentes, à la manière des synodaux allemands, sur ce que signifie être catholique. Peut-être que tout ce dont nous avons besoin, en fin de compte, c’est simplement d’un meilleur pape ».
Il a été entendu – et à Léon XIV de recadrer les délires de la synodalité, et de faire rentrer les bureaucrates synodaux à la niche.




