Notre lettre 896 publiée le 31 octobre 2022

INVISIBLE ET PROMU

Lorsqu'il écrit "Dieu existe, je l'ai rencontré", en 1969, André Frossard expose sa conversion instantanée, laquelle remonte à 1935, lors de l'entrée fortuite de cet athée tranquille dans une modeste chapelle parisienne. Avec humour, il excipe de son long silence en citant Bernanos ; "Les convertis sont encombrants". Soucieux de confronter à la Tradition de l'Eglise le savoir instantané procuré par l'insigne grâce reçue, et demandant le baptême, il réalise qu'il sait par science infuse ce que le religieux qui l'instruit sait par acquisition patiente et d'interminables études. Il raconte cela dans "Il y a un autre monde", suite du premier opus, en 1976. A peine moins fulgurante, la conversion d'Alphonse Ratisbonne, à Rome, en 1842, fait suite à la vision privée de la Vierge, dont il portait la médaille miraculeuse par défi. "Elle ne m'a rien dit, mais j'ai tout compris". Son frère aîné Théodore, converti et baptisé dès 1927, sera ordonné prêtre en 1830, non sans connaître l'ostracisme de la communauté juive dont il était issu. Les deux frères, se portant en renfort mutuel, fonderont la Congrégation de Notre Dame de Sion, dont la vocation est de prier pour la conversion des juifs. Un siècle sépare la conversion des frères Ratisbonne, et celle d'André Frossard. Notre propos n'est pas d'examiner les fruits de l'élection de l'un et des autres, mais, au delà de la situation de la Chrétienté qui accueillit ces témoins privilégiés, de constater qu'au moment où Frossard fait sa confession publique, les frères Ratisbonne auraient de quoi se retourner dans leur tombes: Depuis la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965), le tiers ordre de Notre Dame de Sion ne prie plus pour la conversion des juifs, mais pour que les chrétiens changent leur regard sur les juifs. Palinodie christique, ou théologie en vadrouille ?

L’Église en synode entend faire de la synodalité synodante, et de l'oligarchie qui s'en réclame, le totem de sa vitalité nouvelle. Or, plusieurs diocèses ont cru pertinent de mettre en tête de leur "communion" l'exigence d'une "rencontre personnelle avec le Christ". S'agit-il de sélectionner ceux qui en serait honorés à l'aune des critères traditionnels de discernement des "âmes privilégiées"? Ou de proposer un mantra inclusif purement déclaratif et difficilement réfutable ? Un catholique fidèle, priant, et observant les commandements divins, reçoit le Christ dans l'Hostie Consacrée, mais jusqu'à un passé fort récent, cette réception pieuse et loyale n'était qu'exceptionnellement qualifiée de rencontre personnelle, sinon par privilège insigne, car d'une telle rencontre "personnelle" aucune science nouvelle, inconnue du Magistère, ne pouvait prétendre enrichir la Révélation close à la mort du dernier apôtre. A contrario, cette banalisation d'une "intimité" avec le Christ, au risque du blasphème, ne ferait que rejoindre en prétention la "sponsalité" développée par Jean Paul II, à savoir cet amour sacramentel, seul digne des époux, qui les introduit dans la Vie Trinitaire, excusez du peu. Deux millénaires de prédication sur le mariage avaient ignoré cette prime trinitaire, se limitant à l'effet démiurgique de la Grâce sur les foyers de bonne volonté. En cas d'échec du couple, et d'une sponsalité hors d'atteinte, la preuve était faite : le sacrement n'avait pas été validement contracté, au nez et à la barbe des protagonistes, clergé inclus. Le divorce catholique venait d'être inventé. Inutile d'invoquer des "raisons de santé", dont la fiction fait tache d'huile, et d'encre, pour acquérir quelque dispense. L'échec de l'accès au "sponsal" trinitaire fait foi de la nullité du pacte. CQFD.

Y-a-t-il, parmi les évêques français en exercice, un pontife qui ne puisse se targuer d'une "relation personnelle avec le Christ", dès lors que "par la consécration épiscopale est conférée la plénitude du sacrement de l'Ordre, (...) le sacerdoce suprême, le sommet du sacré ministère." (LG21) ? Un évêque partage-t-il avec un autre évêque la même "relation personnelle avec le Christ" ? Dans le cas contraire, quelle communion hiérarchique avec la tête et les membres du Collège épiscopal passé, présent et futur est-elle concevable ? Pas plus que les "raisons de santé" prétendument dirimantes, la "relation personnelle avec le Christ" nécessaire à la communion ecclésiale n'est autre chose qu'une fiction initiatique, qui ne saurait éclipser les vertus théologales, qui ont Dieu pour fin, et dont l'élan au contenu limpide est accessible à tous. Idem pour le mariage naturel, voulu par Dieu depuis la Création, et en lequel l'Eglise, quoique requérant le sacrement pour les baptisés, a toujours vu une réalité civile d'exigence analogue chez les non-baptisés. Réalité naturelle et terrestre, dissout par le décès de l'un ou de l'autre, le mariage sacramentel symbolise, selon un rapport analogique, l'union du Christ et de l'Eglise. Quelle sponsalité accédant, prétendument, à la Vie Trinitaire n'aurait-elle quelque titre à subsister dans la Vie Éternelle ?

In cauda venenum : si nos évêques français avaient une "relation personnelle avec le Christ", pourquoi décevraient-ils à ce point Golias, dont le trombinoscope 2022/2023 est un jeu de massacre ? Pourquoi ne trouveraient ils pas les mots justes vis à vis de cette périphérie provocatrice qui dénonce la baisse générale du niveau épiscopal ? A défaut d'adhésion, sauf à la haine de soi, et, hélas, de réplique sagace de nos Docteurs, un mot de compassion pour ces égarés Lustiferophobes ? Nos fielleux qui espèrent le meilleur du nonce en année probatoire vont avaler leur chapeau. L'évêque auxiliaire de Montpellier, Mgr Alain Guellec, fait, dans le Trombi mentionné, l'objet d'un joker ! Golias, logique, se reconnaît incapable de portraiturer l'homme invisible. Mauvaise pioche ! Le nonce Migliore vient de le promouvoir à Montauban. Notre Seigneur retiendra-t-IL la CEF dans sa course aux abysses ? Inutile d'accuser les tradis, ils s'enfoncent tout seuls comme des grands (?).


Philippe de Labriolle

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