Notre lettre 852 publiée le 9 mars 2022

LE COMMUNIQUE FANTASQUE
DE MGR GUY DE KERIMEL,
ANCIEN EVEQUE DE GRENOBLE
AUJOURD'HUI ARCHEVEQUE DE TOULOUSE

IIIème PARTIE
PRETENDRE QUE LA MESSE DE PAUL VI
EST UN RETOUR A LA SITUATION ANCIENNE
EST UNE ESCROQUERIE

La présente Lettre est la troisième que nous publions à propos du communiqué de Mgr de Kerimel, alors évêque de Grenoble, le 2 septembre 2021, après une première Lettre 826 du 28 septembre 2021 (« Avant tout, rester raisonnables »), et une seconde, du 22 novembre 2021 (« Une science liturgique de caté du commerce ».



« Il faut redire clairement que la messe dite "de toujours" ne date que du XVIe siècle, alors que la liturgie de l’Église remonte au Ier siècle. Celle du Concile de Trente répondait au besoin d’une période de l’histoire de l’Église. La messe de Paul VI a des racines très anciennes, en même temps que des adaptations nécessaires et réfléchies, par fidélité au Christ et à l’Esprit Saint qui conduisent l’Eglise à travers les siècles » (Guy de Kerimel Évêque de Grenoble, 2 septembre 2021).


Paix liturgique – Cher Hughes, avant de poursuivre, je vous rappelle que désormais Mgr de Kerimel n’est plus évêque de Grenoble car il est, depuis le 9 décembre 2021, archevêque de Toulouse…

Hughes Chartreux – J’ai bien sûr cette information… mais cela ne change rien à la poursuite de cet entretien par lequel nous essayons de corriger les erreurs, ou pourquoi pas les mensonges, non seulement proférés par Mgr de Kerimel mais par beaucoup d’autres. Je pense par exemple à Mgr Roche qui, quoique Préfet de la congrégation pour le Culte divin, mériterait d’être appelé préfet de l’Inculte divin tant ses déclarations sont éloignées de la réalité historique. Aussi est-il important de poursuivre et d‘aider à redresser les esprits des personnes de bonne volonté contre toutes ces manipulations.


Paix liturgique – Nous allons poursuivre notre entretien au sujet de l’affirmation faite par Mgr de Kerimel que la messe de Paul VI a des racines très anciennes.

Hughes Chartreux – Tout à fait mais avant de commencer je voudrais replacer le propos de Mgr de Kerimel dans son contexte. Car rappelons-nous que c’est après avoir affirmé que la messe traditionnelle datait du XVIe siècle qu’il continue en affirmant : « La messe de Paul VI a des racines très anciennes », ce qui signifierait pour le lecteur non-averti que pour Mgr de Kerimel la messe de Paul VI, elle, aurait des racines très anciennes alors que la messe de Saint-Pie-V, elle, ne daterait que du XVIe siècle.


Paix liturgique – Et cela est inexact…

Hughes Chartreux – J’ai démontré, je crois, lors de l’entretien précèdent, et en ne faisant que suivre les propos de Benoit XVI, qu’il n’existait ni de messe de Saint-Pie-V, ni de messe du Concile de Trente, et que la messe traditionnelle avait une histoire très ancienne qui la fait remonter, pour le canon, au moins au IVe siècle (une question sur laquelle je reviendrai une autre fois) et donc que ce qu’affirme Mgr de Kerimel montre que manifestement il ne connaît rien à cette question. Il s’agit donc aujourd’hui de scruter « La nouvelle Messe » et de voir la valeur de l’affirmation de Mgr de Kerimel selon laquelle « elle a des racines très anciennes » est fondée et exacte.


Paix liturgique – Mais cependant « tout le monde » affirme que la nouvelle messe à des racines anciennes…

Hughes Chartreux – Vous avez raison en effet et « tout le monde » affirme que le nouveau missel est un retour aux anciennes formes de la messe. Mais c'est une affirmation très vague qui vise à donner du prestige à la forme réformée, sans préciser où se situe ce retour aux sources.


Paix liturgique – Alors qu’en est-il ?

Hughes Chartreux – Tout d'abord, nous devons être prudents avec ce que nous appelons « le passé ». En effet, il y a un manque de preuves claires sur les étapes des développements les plus anciens de la messe. Les reconstructions qui ont été faites depuis l'intensification de l'intérêt pour l'histoire de la liturgie ne sont que conjecturales ; une grande partie de ce qui est dit sur le nouveau missel recourant à des formes plus anciennes était une conjecture des années 1970, ce qui était à la mode à cette époque. Mais au fil du temps ces conjectures n’ont pas fait preuve d'une grande solidité. L'argument selon lequel un aspect est ancien est très relatif, car nous manquons de sources nous permettant de savoir qu'il l’était vraiment. En principe, les plus anciennes formes de livres liturgiques qui nous sont parvenues ne sont pas des missels, qui n'existaient pas encore en tant que tels, mais ils correspondent à des célébrations d'une hiérarchie supérieure, comme le pape et les évêques ; ce sont des descriptions du rite papal ou épiscopal qui sont évoqués, et non de ce qui se pratiquait dans une paroisse, ce qui signifie qu’affirmer, comme le firent les liturgies engagés des années 60 et 70, que leurs réformes permettaient de revenir aux usages du passé relève le plus souvent de l’incantatoire ou de la propagande. Car ce fut sur des conjectures que s’édifia cette réforme et non sur une base documentaire sérieusement étayée. Mais reconnaissons que même si ces propos étaient exagérés et infondés la méthode fut efficace et permit à une nouveauté sans racine de s’imposer.


Paix liturgique – Mais dans ce cas l’on ne peut rien dire ni même son contraire…

Hughes Chartreux – Pas tout à fait car si l’on peut affirmer qu’une prétention à l’antiquité est inexacte, notamment car nous ne trouverions aucun exemple de cette pratique dans les temps anciens, nous disposons cependant de nombreux témoignages généraux qui nous éclairent sur l’esprit général des actions liturgiques dans ces temps anciens. Par exemple les écrits des Pères de l’Eglise, qui nous permettent souvent d’affirmer « Cela ne se faisait pas ainsi », ou « cela n’a aucune racine ». Pour vous éclairer j’ai sélectionné quelques aspects de la nouvelle liturgie pour les examiner à cette aulne.


Paix liturgique –Je pense en effet que des exemples vont nous permettre de mieux saisir votre discours

Hughes Chartreux – Je vais prendre pour commencer le cas de « la participation actives des fidèles » qui nous est présentée aujourd’hui comme un retour au passé. Ce concept, bien qu'il n'apparaisse pas explicitement dans les textes officiels, imprègne toute la liturgie actuelle. Or cette conception nouvelle de la participation des fidèles ne ressemble en rien à ce qu'a pu être la participation dans le passé. En effet, elle est présentée comme quelque chose qui appartient au passé le plus lointain, disons à l'âge patristique, où le peuple était présumé participer davantage à la messe, alors qu'au Moyen Âge la liturgie serait devenue exclusivement cléricale. Mais il n'en était pas ainsi, puisque cela n'a rien à voir avec ce qu'on peut déduire de ce qu’était la participation des fidèles dans le passé. Concrètement, cette vision un peu romantique de l'époque patristique, nous présentant des fidèles écoutant les lectures, discutant avec le prêtre et, disons, en extase, est un regard idéalisé et à cent lieues de la réalité. Les quelques témoignages qu'il existe de l'attitude des fidèles dans la liturgie sont des textes des Pères de l'Église qui leur reprochent leur inconduite, leur manque d'attention, le manque de piété, en particulier, de saint Jean Chrysostome qui a de longues tirades contre ce que faisaient les gens, et les fréquentes distractions.


Paix liturgique – Il y a aussi la question de la langue liturgique…

Hughes Chartreux – Là aussi les modernes aiment à nous faire croire qu’autrefois la liturgie était célébrée dans la langue des gens… ce que l’on appelle la langue vernaculaire. Or, notre documentation ne va pas dans ce sens : nous avons par exemple le témoignage de saint-Augustin qui vivait à une époque où le latin était encore la langue parlée, mais où déjà ce n’était plus le même latin que celui qui était utilisé dans les prières et la liturgie. Cela nous le savons de saint-Augustin lui-même qui bien qu’il ait été un homme de lettre, un professeur de rhétorique, un qui bien sûr connaissait le latin de son époque mais qui demanda lorsqu’il se convertit, avant de recevoir les ordres sacrés, un temps pour étudier le latin des chrétiens, utilisé dans les cérémonies, qui était différent du « parler » de tous les jours, avec des termes spécialement inventés pour exprimer les mystères de la liturgie. Pour cette raison, dire que l'usage de la langue du peuple est un retour à ce qui se faisait dans l'Antiquité est un mirage et un contresens car les hommes du passé, comme beaucoup de personnes aujourd’hui, souhaitaient par respect et fidélité rester au plus près de ce que faisait et répétaient leurs ainés : n’est-ce pas ce qu’on toujours fait les juifs et plus tard le musulmans dans leurs pratiques religieuses ? De plus, les traductions vernaculaires éloignent davantage les textes non seulement de l'Antiquité mais de la même Editio typica du Missel actuel.


Paix liturgique – Vous évoquiez aussi le cas de la musique…

Hughes Chartreux – Oui, car l’exemple de la musique, qui nous intéresse à cause de son rôle prépondérant dans la liturgie, nous éclaire tout à fait. A partir de nos connaissances nous savons que les prières et la liturgie étaient, aux époques antiques, intrinsèquement liées à la musique. Les prières étaient généralement entonnées, c’est-à-dire qu’on les commençait en chantant, ce qui non seulement avait un aspect pratique pour la meilleure propagation du son, mais surtout donnait un cadre très particulier qui éloignait la liturgie du quotidien. Et aujourd'hui la musique et les chants sont totalement extérieurs à ce qu'est la liturgie car ils sont faits pour créer une ambiance, de l’enthousiasme ou des sentiments ; mais cela n'a rien à voir avec la conception qu'ils pouvaient avoir dans l'Antiquité.


Paix liturgique – Et des changements dans le déroulement de la messe…

Hughes Chartreux – Tout à fait, car il y a dans le nouveau missel des aspects qui ne sont clairement pas anciens, comme l’Offertoire. Dans tous les rites de l'Église, il a un caractère proleptique et un caractère sacrificiel, c'est-à-dire qu'il anticipe le sacrifice et cet élément, l’Offertoire, est commun à tous les rites, tant orientaux qu'occidentaux. Au contraire, la liturgie réformée s'en écarte, évitant délibérément tout aspect proleptique et faisant de l'offertoire une sorte d'action de grâce pour les dons du pain et du vin à consacrer.


Paix liturgique – Mais tout de même j’ai lu que certaines prières étaient tirées de documents anciens

Hughes Chartreux – Il existe de nombreuses prières, recueils, secrètes et postcommunions, qui sont en effet tirés d'anciens sacramentaires. Mais ils ont été repris dans les grandes lignes. Peu d'entre eux ont été conservés dans leur intégralité sans que leur texte ait été modifié, adapté, ou manipulé avec des mots, des expressions et même des phrases supprimées qui souvent en change, ou du moins en affaiblissent, le sens.


Paix liturgique – Et quid de l’acte pénitentiel préalable à la célébration ?

Hughes Chartreux – L'acte pénitentiel, qui dans tous les rites et depuis l'Antiquité, est une préparation du célébrant et de ses ministres à entrer dans le sanctuaire, lieu toujours distinct du reste de la nef ou se situe l’assemblée, a été remplacé par un acte de réconciliation entre tous les fidèles eux-mêmes, y compris le prêtre. Et selon la revue officielle de la Sacrée Congrégation du Culte divin, ses rédacteurs ont décidé de s'inspirer pour cela des liturgies protestantes. De fait cet usage, comme beaucoup d’autres, s’éloigne de l’esprit de la liturgie ancienne.


Paix liturgique – Et le lectionnaire… ?

Hughes Chartreux – Peut-être que l'un des aspects qui sépare davantage le nouveau Missel de l'ancienne liturgie est le lectionnaire avec ses cycles annuels, ce qui est quelque chose de complètement sans précédent, tout à fait inédit, dans la tradition liturgique.


Paix liturgique – Et la récitation du Notre Père ?

Hughes Chartreux – Dans la messe réformée, le Notre Père est dit par toute l'assemblée, alors qu'au moins déjà au temps de saint Grégoire le Grand qui fut pape de 590 à 604 c’est-à-dire dans des temps très anciens, c'est une particularité du rite romain que le prêtre le dit seul. Saint Grégoire explique ainsi que la différence des latins d’avec les Grecs est que dans le rite romain, le Notre Père n'est dit que par le prêtre car il était déjà à cette époque comme une conclusion du canon prononcé seulement par le prêtre.


Paix liturgique – Et le dialogue ?

Hughes Chartreux – La possibilité que le missel donne au prêtre de donner des explications, interrompant l'action, n'existe pas, dans les formes traditionnelles où le rite est hors du contexte, du temps et du lieu présents, et il n'y a pas de communication avec les fidèles autre que celle de l'action liturgique elle-même. Ce que l'on peut trouver dans les temps très anciens, ce sont des remontrances diaconales, lorsque le diacre donne des instructions telles que : « soyons attentifs », « soyez sages », « levons-nous ». Ce n'est pas un dialogue, mais des indications pratiques, et elles sont faites par le diacre et pas par le prêtre.


Paix liturgique – Quid de l’Anaphore…

Hughes Chartreux – Quant à l'Anaphore, c’est-à-dire le Canon, il n'y a aucune preuve dans le rite romain qu'il y ait eu des prières interchangeables, comme c'est le cas avec les prières eucharistiques qui sont d'écriture récente. Deux nouveautés sont donc données à cet égard : la variété, étrangère au rite romain, et les prières elles-mêmes, qui conservent un élément structurel, mais dont le type d'expression, la terminologie et la théologie, sont tout à fait différentes des prières des différentes traditions.


Paix liturgique – Mais pourtant l’on évoque parfois le canon d’HyppolYte qui serait un texte très ancien que la liturgie nouvelle a su réintégrer ?

Hughes Chartreux – Cette question est très importante et illustre la désinformation qui a été répandue lors de l’instauration du nouvel Ordo Missæ. Aussi si vous le voulez bien consacrerai-je notre prochain entretien à cette question qui a une très grande importance.


Paix liturgique – Quel serait donc votre conclusion pour répondre à la prétention de certain d’affirmer que la nouvelle liturgie collerait davantage que l’ancienne aux usages du passé ?

Hughes Chartreux – Elle est très simple : la prétention des auteurs de la nouvelle messe d’avoir rétabli des usages anciens est une escroquerie, un mensonge ou à minima le signe de leur incompétence. La messe de Paul VI est la messe voulue par les réformateurs pour actualiser certaines idées nouvelles. En aucun cas la prétention que cette messe serait un retour à la situation ancienne de la liturgie n’est recevable.

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